2009, second UTMB après ma première expérience au delà des 100 kms de 2008, qualifions-la de réussie, pour faire simple.
Assez peu de changements sur la forme. Même parcours à quelques micro-détails près. Prévisions sensiblement identiques de notre gourou national Météo France, à savoir un temps idéal (en pratique, quelques très subtiles variations nous attendent, nous verrons cela plus loin). Mêmes compagnons de route de notre bien-aimé club UASG (Union Athlétique de la Société Générale) : les tatoués Laurent Thézé et Gilles Cormier alias The President - 6° UTMB, chapeau bas.

Principale innovation, puisqu'il faut bien trouver quelque chose diront les grincheux : suppression du deuxième point de dépôt, situé lors des éditions précédentes en la bourgade de Champex-Lac, sise en Suisse proprette et verdoyante, d'un sac personnel de ravitaillement acheminé au bon vouloir de l'organisation.
Qu'à cela ne tienne, je profiterai d'un ravitaillement personnalisé grâce à la présence sur place de ma famille, en villégiature dans un chalet champexois. C'est ça le luxe des grosses écuries. Pour sûr, Gilles déteint, au contact, lui qui profite éhontément d'avantages compétitifs de ce genre en d'innombrables points de ce même parcours (wouarf, au moins trois), comme sur d'autres épreuves. Voire ! feindra-t-il de s'indigner.

Un autre changement, tout de même, que d'aucuns pourraient trouver comme significatif : l'expérience ! Vous savez, celle qui rend sage, sagace, avisé, raisonnable, qui permet d'anticiper la moindre faiblesse, de déjouer les pièges les plus improbables, de ne pas oublier son dossard au pied de son lit, de positionner l'épingle d'attache dudit dossard dans le bon sens (essayez de vous mettre une épingle à nourrice dans le dos sur quelques dizaines de kilomètres, un sac par là dessus – réponse G.C.), de penser à mettre une pincée de sel dans son coca, de tester ses barres céréales et autres gels lors des entraînements, de dompter ses flamboyantes chaussures neuves, dernière levée des soldes printanières. La vraie expérience en somme, celle qui transcende. Hum. Donc après une première édition plutôt dans les clous, 37h50 au compteur et une arrivée assez « frais » (comprenez, on peut marcher), révision à la hausse des objectifs, transcendance oblige. Une arrivée aux alentours des 36h nous satisferait amplement tout en paraissant raisonnablement atteignable.

Poursuivons le jeu des 7 erreurs. L'organisation générale du Trail semble encore plus rôdée en 2009, comparée à l'année dernière. Une vraie grosse machine : beaucoup de bénévoles un peu partout, dans Chamonix, une nouvelle épreuve au programme (la TDS : 106 kms pour 6600 D+), la quatrième après l'UTMB à proprement parlé, la CCC (96 kms pour 5600 D+) et la PTL (raid de ouf comme diraient les djeunz's -dont nous ne faisons plus partie depuis longtemps- par équipe de 4 sur 240 kms – 22000 D+), un gros village expo sur le matériel lié au trail, etc....

Plus de queue pour retirer les dossards contrairement à 2008 ; la suppression du contrôle du contenu du matériel obligatoire (couverture de survie, réserve d'eau, réserve alimentaire, lampes et piles de rechange...) dans le sac fait gagner pas mal de temps. L'arrivée à Chamonix du vainqueur 2008 Kilian Jornet sans sac, ni chemise ni pantalon et visiblement (au sens « non visible ») sans certains des éléments requis a en effet parfaitement démontré l'inutilité de ce contrôle, remplacé cette année par un poids plancher pour le sac, 2 kg dont 1 litre d'eau. Conséquence : les anxieux se rangent cette année en rang d'oignon non plus pour obtenir leur précieux sésame numéroté, mais pour peser leur sac de peur de ne pas être assez lourd. On rêve. Cette année, Kilian avait un sac à dos.
Pas de « problème » de ce genre de mon côté, le seul poids de la batterie de mon phare me permettant de franchir sans soucis la barre fatidique.

H-1 : la chambre d'hôtel de Gilles à quelques encablures de la ligne de départ nous sert de camp de base pour une réunion au sommet des différents protagonistes : Gilles C. donc -en tenue de robocop comme à l'accoutumée-, Laurent T. -bien affûté après ses moultes épreuves « préparatoires »-, Jan Maarten -dit le hollandais volant, paré de ses écouteurs pour son retour en terre savoyarde-, et tous nos supporter d'un jour (enfin de 2 ou 3 pour le coup) : Clarisse pour (entre autres) assurer le ravitaillement personnel de Gilles C., Gilles Allegret (dit le « sage ») bénévole cette année sur la PTL après l'avoir brillamment achevé l'année dernière, et Patrick Germain, special guest sur la TDS qu'il a décidé de faire en solo, en ouverture hors compétition (comme à Cannes, le meilleur ici est souvent off).
Vêtu de ma tenue d'apparat rouge sang, je ne me peux que gagner, c'est statistique, dixit Patrick. On t'a démasqué Patrick, agent masqué d'une incertaine néo-progagande allémanique ; j'ai retrouvé tes sources .

Beau temps annoncé sur la ligne de départ, même si l'on nous prévient que la première nuit sera peut-être un peu fraîche et légèrement humide. Hmm, vu des 25°C sous le soleil alpin d'une fin d'après-midi estivale, difficile de s'en convaincre.

18h30 : c'est parti. Bouchons et Vangelis en guise d'introduction, bis repetita de 2008, mais cette fois au milieu d'une foule plus dense encore de fans en transe, agitant appareils photos et banderoles, exhortant tonton à faire de son mieux, secouant frénétiquement les cloches portées en une autre vie par des Hérens batailleuses.

Ambiance dernier virage de l'Alpe d'Huez, version à plat. Nous sommes, en toute simplicité, les dieux de l'Olympe, avant même de l'avoir gravie.
La meute est lâchée


Départ très prudent cette année, footing à allure dominicale au deux-tiers du peloton. C'est la première fois que je m'aligne sur une épreuve chronométrée muni de mon cardio, et donc a fortiori  la première fois que j'essaie de gérer mon effort sur la base de cette information objective. Le professionnalisme nous guête.
But affiché : ne pas trop entamer les réserves sur la première partie du parcours en limitant au maximum les dépassements au delà des 145 pulsations / minute. Adieu, départs enflammés, fleur au camel, et allure marathon débridée.

Traversée des Houches où l'on retrouve une dernière fois nos supporters attitrés, satisfaisit donné par Gilles-le-sage pour notre départ prudent, et première montée vers le col de Voza où la nuit nous happe, puis redescente vers St Gervais pour le premier ravitaillement.

Une stratégie de gain de temps sur cette édition 2009 pour chacun de nous trois (Gilles Laurent et moi) consiste à passer un minimum de temps aux points de ravitaillement. Du temps facilement gagné, sur le papier. On se refroidit moins, en plus, et quitte à ne pas repartir à fond, la relance est plus aisée. Que du bon.
Passage aux actes, tentative d'arrêt express, donc, à St Gervais. Ah, 5 minutes pleines tout de même, difficile de résister à l'attrait des différentes tables recouvertes de fruits, barres céréales et autres soupes. Encore un item à ajouter à la longue liste des choses à travailler. Je prendrai personnellement en charge dans cette formation le module « manger plus, oui, mais plus vite » ; j'aurais des compétences dans ce domaine, paraît-il, à défaut d'autres.

De St Gervais aux Contamines, petite pente sans trop de difficulté pour s'échauffer. Montée avec Laurent, d'un pas rapide, cadencé par le bruit des bâtons. Gilles C. est légèrement en retrait, mais on l'entend derrière nous, à nouveau, après le ravitaillement de la Balme, au milieu de la montée vers le col du Bonhomme. Un Gilles qui parle, c'est un Gilles en forme (ou qui évacue son stress, vous expliquera-t-il, c'est selon). L'expérience aidant, il nous reprend tranquillement, Laurent tout d'abord victime d'un petit coup de moins-bien, puis moi, victime de rien du tout. Pas encore.
Fin de cette première ascension sérieuse pour basculer vers les Chapieux ; je comptais capitaliser sur mon phare pour aborder cette première descente, longue et technique. Perdu, le brouillard a fait son apparition au sommet, et me fait renoncer ; à défaut d'anti-brouillard, on se contentera de la frontale ordinaire.

Au ravitaillement des Chapieux, arrêt express pour remonter ensuite en cadence avec Gilles en direction du redouté col de la Seigne. Début des problèmes digestifs de mon côté, je commence à me sentir légèrement pâteux. Aïe, ce genre de troubles n'avaient débuté l'année dernière qu'une bonne quinzaine de kilomètres plus loin, là c'est un peu tôt. Bon. Gnothi seautón comme dirait l'autre, perdu pour cette année.

Aux deux-tiers de la montée, première crêpe cuvée 2009. Soit, je suis un peu habitué au protocole ; mais là contrairement aux autres fois, je n'arrive pas à boire et m'alimenter de suite pour compenser. Fatal, fatal, je vais le payer cash un peu plus tard. Ah tiens, Laurent est revenu – très bien, notre compagnie achève de gravir ce col pour arriver au sommet dans une bonne grosse purée de pois. Même pas de neige ici, trop facile, difficile de croire que les flèches de tête se soient plaints de quoi que ce soit, des petites natures on vous dit.
Hop, tous en ligne au sommet, on jardine un peu pour retrouver la trace qui redescend (certains parmi les premiers ont perdu pas mal de temps à cet endroit pour retrouver leur chemin... ils n'avaient qu'à nous attendre), et c'est évidemment l'expérience de Gilles qui prime et nous remet rapidement sur de bons rails.

Lac Combal Le jour commence à poindre lors de notre descente, et mon estomac bien que libéré d'un gros poids n'a pas encore décidé de me laisser en paix.
Gilles et Laurent ne sont plus là, ils ne pourront être témoin de ma deuxième pose tactique en cours de descente, douloureuse celle-ci, car bileuse.

Crampes d'estomac, jambes flageolantes, magnifiques rayons du soleil levant sur les glaciers bleutés nous faisant face, versant opposé.


Ravitaillement italien du lac Combal ; j'y retrouve pour quelques instants Gilles et Laurent que j'encourage à repartir sans m'attendre. Ils s'exécutent, les pleutres.

Impossible d'avaler quoi que ce soit de consistant, hormis un peu de coca et de thé, et un gros coup au moral. Je comate quelques longues minutes aux abords de la tente de ravitaillement.
La chaleur du lieu, les diverses denrées retiennent toujours les éclopés un peu trop longtemps, donnant à ces lieux, un aspect mouroir que Gilles aime tant stigmatiser afin de mieux les éviter. Il n'a que trop raison ; je grelote en repartant, en claudiquant plutôt, à 2 km par heure. 2 kilomètres par heure doit-on dire, et pas vulgairement « à l'heure », nous martelait invariablement ma professeur de Sciences Physiques de 4° - « 2 kilomètre à l'heure » ne veut rien dire, béotiens. Accessoirement, c'est vraiment très lent.
Une seule chose en tête, Courmayeur, cité irréelle, idéale, au bout du monde, 13 kms plus loin. Un havre pour un abandon.

Entre temps, cela grimpe, de nouveau. Arête du Mont-Favre. Une petite arête seulement, pas même un petit col, de sommet encore moins. Mais une éternité devant soi, à se faire doubler, piétiner, conspuer, des hordes de traileurs sanguinaires me dépassent, sans considération aucune, couteaux entre les dents, machettes à la main. Si si.
« Ca va ? » me demande-t-on invariablement et continuellement, me semble-t-il. Que répondre. « Oui ça va », mensonge éhonté !

Enfin le point de contrôle, situé à un endroit que l'on ne peut raisonnablement point nommer « col », sous peine de s'exposer à de graves désillusions par la suite. Prise de tension psychologique par un officiel, question désormais rituelle : « Ca va ? » Réponse facile : non. J'explique mon cas ; direction la jolie tente jaune, un Spasfon© et un Volagène©, deux demi-siestes d'un quart-d'heure, et c'est reparti.

Bilan : Gilles et Laurent sont certainement bien loin déjà, et presque deux heures de retard par rapport à l'année passée.
Tente jaune au Mont favre
Cela semble aller un peu mieux cependant maintenant, j'attaque gentiment la descente vers Courmayeur, avec passage au Col Chécrouit où je me recueille quelques instants, ému, sur les lieux de mes premiers soucis gastriques, un an plus tôt.
La descente casse-pattes par la piste de ski n'est plus au programme, remplacée par un single-track à flanc de colline, mutant progressivement en un sentier poussiéreux parsemé d'escaliers, le tout à l'italienne. C'est-à-dire, pas à la suisse, un peu comme si le chantier d'aménagement en était encore à ses débuts ; sauf qu'il est fini, en fait. Pas la même culture. Qu'en Suisse tout du moins. Mais c'est un trail ne l'oublions pas, on n'est pas là pour faire du tourisme, non plus.

Courmayeur, lovée au cœur des montagnes, fin du rêve pour beaucoup. Pas encore pour moi cette année, finalement. Dix kilomètres à l'air frais, le ventre soulagé, cela remet les choses en perspective, on relativise ses petits soucis, du passé, si loin déjà, la motivation est revenue : je ne vais pas me laisser enfumer par Gilles tout de même. Un peu de sérieux.

Récupération du sac de ravitaillement dans lequel on trouve à peu près de tout, mais où je ne prends pour ainsi dire rien au final, chapeau le bilan carbone. Mes pieds se portent à merveille ; eux au moins m'ont laissé en paix, et je leur rends la pareille, les laissant mariner tranquillement dans leur coin ; pas besoin de la paire de runnings de rechange, envisagée un temps pour la section supposée plus roulante nous séparant de Champex. Lavage de dents - oui c'est un détail, mais au bout de quinze heures à ingurgiter (et régurgiter) divers aliments sucrés, salés, qui collent, qui bullent, qui poissent, la bouche prend une tournure pâteuse.
Un plat de pâtes, goût bizarre, acide. Je doute ; on est bien en Italie ? Pas grave, je n'ai pas très faim, je repars plus vite, ainsi. Au moins un endroit où je reprends du temps sur mon chrono 2008. Une autre solution consiste à les manger en marchant, ses pâtes ; je prends bonne note, pour repartir d'ici en deuxième position une prochaine fois.

Montée sur Bertone. La forme est vraiment revenue maintenant. La très laborieuse ascension 2008 n'est qu'un mauvais souvenir, j'avance régulièrement et remonte pas mal de coureurs, à la dérive pour certains. J'en pousse quelques-uns dans le ravin, histoire de marquer le coup, de prendre date, comme on dit dans le milieu des agences bancaires, pour justifier une ouverture d'assurance-vie pas vraiment sollicitée.

Entre Bertone et Bonatti S'en suit la si longue portion nous menant au refuge Bonatti, succession de torves coups de cul, de traîtres relances au combien nécessaires pour établir un temps honorable ; et étonnamment de lassitude, parfois, la vue étant simplement magnifique ici.
Les glaciers se succèdent sur les flancs du Mt Blanc et de ses petits voisins.

Je m'allonge dix minutes dans l'herbe et profite du soleil. Et pis c'est tout. Les regards en coin des quelques coureurs qui me passent devant ne m'atteignent pas, zéro culpabilité.


Une dixaine de places perdues depuis Bertone, pas de quoi s'effaroucher ; je les reprends dans la descente vers Arnuva. Achetez-vous des cuisses, les gars. Ch'tite pause, que du liquide en guise de ravitaillement, et à l'attaque du Grand Col Ferret. Même pas peur.
Plutôt un bon souvenir de ce col, souvent présenté comme l'épouvantail de cette course en raison de sa stature de point culminant. Avec un bon rythme en fait, cela passe bien, et derrière, c'est la récompense : 10 kilomètres de descente non-stop vers la Fouly, y'a bon.

Un suisse avec lequel j'avais un peu discutaillé au ravitaillement d'Arnuva me suce la roue dans la montée, on aura tout vu, il doit sentir les écuries à l'approche de la frontière. Parfait pour l'entretien de la motivation et du tempo, un suceur de roue, on n'a qu'un seul but, le lâcher. Objectif atteint, il a disparu des radars au sommet du col, où l'on nous prévient gentiment que cela souffle sévère de l'autre côté. Merci le suisse tout de même, j'ai repris 80 places à jouer à ce jeu d'accordéon un peu stupide tout de même.

La descente donc. Oui effectivement, ça souffle un peu, largement supportable tout de même. Dilemme : dois-je descendre à tombeau ouvert ou toutes voiles dehors ? Allons-y, les cuisses répondent présentes, et moyennant un très bon souvenir de l'année dernière, pourquoi se priver.
Là, c'est un peu le sketch, j'en passe certains qui marchent, carrément. Décidément, la forme des uns et des autres, un bien grand mystère.
Tiens encore deux à doubler, deux parmi 100... Gilles et Laurent ! Eux trottinent, tout de même ; rendez-vous est pris « plus bas ». Je mets un peu le frein à main, cela suffit à ce qu'ils me reprennent un peu avant l'arrivée à la Fouly.

Mon ventre commence à se rappeler à mon bon souvenir. Descente trop rapide ? Le saura-t-on un jour. Les stands de La Fouly ne m'attirent guère ; Laurent, lui, ce sont les lits qui l'attirent, si irrésistiblement qu'il en oublie même de nous en toucher mot avant de s'y allonger quelques instants. Bilan, jouons quelques minutes à je-te-cherche-tu-me-cherches.
Je profite du flottement dans notre équipée pour rééditer ma prestation 2008 -subtil enchaînement de ravitaillement à base de fromage, écœurement, direction les vertes plate-bandes, largage intégral d'urgence, retour au stand pour recharge, la séquence est maîtrisée.
Nous repartons enfin avec Gilles, à la chasse de Laurent, lui qui est reparti de son côté nous pensant devant. Il semble que la lucidité ne soit plus notre principale qualité, s'il elle l'a déjà été.

En direction de Praz de Fort, fin de la longue descente depuis le Col Ferret, c'est clair, cela ne va pas. Plus on avance, plus je m'enfonce. De fait, je retarde Gilles qui ne peut que partir seul, devant, en trottinant. Je ne suis plus capable que de me traîner, marchant jusqu'à Issert, au pied de la remontée vers Champex.

Nouvelle pause technique, la quatrième, on n'en n'est plus à cela près. La marche forcée peut se poursuivre, avec cependant à nouveau des envies d'abandon plein la tête. Solution de facilité entre toutes les sorties possibles, puisqu'à Champex m'attend ni plus ni moins que mon lit. L'espace de ces 400m de dénivelé positif, je peux reprendre mes esprits et arriver, à la nuit tombante, à Champex où m'attendent mes parents et oncles et tante.
Enfin un ravitaillement conséquent qui arrive à passer, un nouveau Spasfon© ainsi qu'un nouveau Volagène© aidant.

Les pâtes ici sont très bonnes, on a du retrouver en chemin les italiens égarés de Courmayeur.

Les couchettes elles-aussi paraissent bien accueillantes, et je ne peux manquer de leur faire honneur une petite demi-heure.

En entrant dans la tente réservée à cet effet, je manque de m'empaler sur un coureur qui, lui, émerge. C'est Gilles... et Laurent à ses cotés. Inattendu et sympathique, mais ne nous épanchons pas en d'interminables retrouvailles, droit à l'essentiel, dormons. Enfin pour ma part, car les inséparables Gilles et Laurent eux repartent.

Une demi-heure de retard donc, si loin si proche.
Champex Lac




Dernière partie de cet UTMB, seconde et dernière nuit. C'est grillé pour les 36h, là dessus plus de doute permis. C'est bon les certitudes, parfois. Saurons-nous rester dignes ?
Premier juge de paix : la montée de Bovine. Approche interminable, montée sinuante au milieu d'une succession improbable de rocs pierreux, dur quoi. Je prends rapidement la roue d'un petit train de coureurs, rattrapés en début de grimpette ; doubler n'est pas aisé, pour un bénéfice tout sauf évident, quelques minutes gagnées que je paierais cash in fine, eu égard à la difficulté d'effectuer cette ascension en solitaire. Pas de problème majeur, nous grimpons sans heurts, descente du même acabit par le col de la Forclaz.

Arrivée à Trient, c'est Gilles et Laurent qui jouent les tauliers et m'accueillent à l'entrée de la tente de ravitaillement. Ils ont retardé de quelques minutes leur départ, me sachant proche ; le flair, la peur, ou le réflexe de demander les temps de passage à l'organisation, c'est selon le point de vue. Un verre de coca, et c'est reparti -1h10 de pause l'année dernière en ces lieux, 5 minutes aujourd'hui-, en trio cette fois-ci. Jusqu'à la fin cette fois-ci, peut-on espérer !

La montée des Tseppes s'organise en relais, c'est le grand schtroumpf qui en a décidé ainsi, et personne n'ose lever d'objection. Au demeurant, c'est une bonne idée ; lutter contre la fatigue commence à tenir de la gageure, et l'alternance en tête de notre petit train nous permet de nous maintenir éveillés, ou de nous réveiller, au moins, à tour de rôle. C'est utile un guide qui ne dort pas.
Petit regain de forme de mon côté ; Laurent semble un peu émoussé, et Gilles se fait un peu prier pour égailler cette ascension d'une petite chanson paillarde.

C'est alors, il me semble bien -mais j'ai du mal comprendre- que Gilles prononça cette phrase définitive : « c'est mon dernier ultra ». Eh eh. C'est bien noté, Gilles !

Long faux-re-plat venteux et refroidissant, à flanc, puis direction Vallorcine la française, via Catogne. A l'approche de la descente, nous passons à l'attaque, ni plus ni moins, histoire de se réchauffer un peu. Laurent mène la chasse aux coureurs esseulés nous précédant, et aux meutes isolées aussi. On prend tout.
Gilles ne la prend pas, lui, la peine de remplacer les piles affaiblies de sa frontale ; je lui prête la mienne que j'utilisais en complément de mon phare et profite à plein de celui-ci pour illuminer par l'arrière tout ce petit monde. Tayo, sus aux faibles ! Ce regain de motivation collective s'apparente un peu à un saubressaut de désespoir, appelons-cela un sursaut d'orgueil ; 100 places de grapillées en une dizaine de kilomètres depuis Trient tout de même.

Point d'égarement à Vallorcine où nous essayons d'expédier la pause pour repartir de plus belle à l'assaut de la dernière difficulté du parcours, la montée à la Tête aux Vents. Avant celle-ci s'offre à nous en guise d'apéritif un léger faux-plat montant menant au col des Montets. Ca ne monte pas assez fort, Gilles s'endort, on le comprend, enfin on fait mine parce qu'on est trop fort, nous autres.

Deuxième fois que l'on peut admirer le soleil se lever sur cette course ; l'aube nous rattrape en début de pente alors qu'elle ne m'avait rejoint qu'au sommet un an plus tôt. Déduction facile : nous avons 700 m de dénivelé positif de retard. Autant profiter de l'instant présent puisque le chrono se dérobe : nous optons rapidement Gilles et moi pour une petite sieste de 10 minutes en rebord de chemin, en début de montée.
Résumé de la négociation menant à une telle décision :
  - Gilles : j'en peux plus, on dort 10 minutes
  - Moi : ok vendu
  - Laurent : euh...
Trop tard, on dort déjà. Cette petite pause me sied fort bien, le décor pour le moins facétieux n'avait de cesse de tanguer sous mes yeux ; la houle montagnarde, c'est la pire.
Bip bip, déjà dix minutes. Le soleil aidant, nos corps engourdis ne se sont pas trop refroidis, et la pente n'a pas disparu pendant notre sieste, dommage. L'opération ne nous a pas coûté trop de places, et nous a bien profité à Gilles et à moi-même. Laurent lui, c'est au sommet qu'une fringale le surprend. Nouvelle pause, bien à l'abrit du vent... ah non en fait on est en plein courant d'air, tant pis, plus la force de bouger, ça ira bien ainsi.

Pas de bouquetin ni chamois pour nous accueillir cette année, nous sommes décidément bien en retard. Des myrtilles par contre, il y en a, et comme le train reste raisonnable sur cette portion de « plat » nous menant à la Flégère, j'en cueille quelques unes, à la volée, entre deux petites relances, en guise de petit déjeuner.

C'est maintenant la dernière descente. Encore deux petites choses à régler : la vitesse de ce dernier rush et la stratégie marketing à adopter à l'arrivée.
Pour le premier point, il conviendrait d'avaler cette dernière descente en 35 minutes pour espérer finir sous les 39 heures, on se fixe les objectifs que l'on peut. Ayant gardé un bon souvenir de cette portion roulante en 2008 (la dernière descente est toujours très stimulante pour qui a encore des restes de cuisse en état), je propose de donner un petit rythme soutenu, et là, paf, une racine récalcitrante décide de contrecarrer nos plans. Laurent à terre, le nez en sang.
L'expérience tourne court, nous descendrons donc en trottinant sagement, sans trop traîner tout de même, Laurent en dur à cuire reprenant le train à son compte, non mais.

Nous pouvons donc nous focaliser sur la résolution du deuxième point : comme se présenter sur la ligne d'arrivée. Trois clans se dessinent. Gilles prend résolument le parti d'une glorieuse arrivée groupée, symbole coubertinien d'espoir et de confraternité inter-générationnelle. Laurent défend la thèse du plus fort, enfin il me semble, son avance de quelques dixaines de mètres lui procurant un statut de neutralité de circonstance. En jeune con prétentieux, je me fais fort d'accentuer le côté un peu suranné d'une arrivée sauce guimauve les bras dans les bras. Gilles en habile négociateur sait jouer sur la corde sensible et avancer les arguments imparables : et les générations futures ? Et ton bord de cheminée, avec toi tu vas le décorer, si c'est pas avec des photos à la gloire de nos exploits passés ? Va pour la guimauve, elle aura plutôt bon goût, faut bien reconnaître.


Arrivee

Ben ça y est. Je dors déjà.


Conclusion : on fera mieux l'année prochaine, c'est sûr... on essaiera de faire le nécessaire, pour le moins.


Quelques stats pour les amateurs :

Temps 2009 vs 2008

Mes temps aux principaux points de passage, resp. en 2009 et 2008


Evolution du classement au sein de notre équipée sauvage

Evolution du classement au sein de notre équipée sauvage

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